C’est ainsi que l’on aurait pu tout aussi bien nommer l’ouvrage que vous avez sous les yeux, car rien de ma période scolaire ne laissait présager que je puisse un beau jour écrire trois livres de trois cent vingt pages. Mes études, si l’on peut qualifier d »‘études » les années passées dans le fond de quelques salles de classes, près d’un radiateur ou d’une fenêtre entrouverte, furent ce qu’il est convenu d’appeler un véritable échec.
Et si l’on me donna le certificat d’études primaires lors de la dernière cession organisée pour cet examen aujourd’hui abandonné, c’est seulement pour avoir été l’unique candidat à choisir de chanter une chanson plutôt que de réciter un poème. Je chantais ainsi la seule chose que je connaissais dans ce répertoire des chants et récitations imposés : « la Marseillaise ». Mes examinateurs, vieux patriotes, anciens résistants de la dernière guerre, furent sans doute plus émus que ne l’eussent voulu les bonnes convenances de la profession, et m’attribuèrent ce diplôme.
Je redoublai cependant mon CM2; ainsi que ma 5e’ et, à aucun moment, ne descendis au-dessous des trois dernières places dans les différentes classes où j' »étudiai » .
A l’âge de quinze ans, je fus placé dans un Collège d’Enseignement Technique, à Montbard. On tenta désespérément de m’y apprendre la comptabilité, matière que ‘exécrais depuis toujours, sans aucun résultat.
Le jour de l’examen, trois années plus tard, était une de ces merveilleuses journées de juin comme il s’en trouve parfois. Le soleil n’était pas seulement radieux comme il l’est bien souvent en cette période du solstice d’été, on sentait quelque chose de plus dans ces chauds rayons qui vous caressaient la peau, quelque chose qui semblait faire vibrer jusqu’au plus profond de vos atomes. Je séchai alors l’examen et m’en allai à la pêche.
Ce fut un affreux scandale. Rater un examen est une chose qui se comprend fort bien lorsque l’on est un cancre, ne pas s’y présenter dépasse de loin l’entendement des honnêtes gens. Cela irrite, on croit voir de la contestation dans cette absence volontaire.