CAIRO, ville fantôme

Voici l’un des épisodes peut-être les plus marquants de ce périple sur les fleuves US:

Notre escale dans la ville fantôme de Cairo.

Un soir, nous nous étions arrêtés derrière une île que forme le Mississippi pour passer la nuit. L’endroit était complètement perdu, aucune habitation nulle part, que des arbres sur les berges, et le piaillement des oiseaux dans les arbres.

Nous ne devions bien sûr passer que la nuit. Mais le lendemain, après avoir remonté l’ancre, le bateau n’a pas voulu partir… J’ai plongé pour voir ce qui se passait sous l’eau : Il n’y avait plus d’hélice…

Comment cela a-t-il pu se passer ? Je n’en sais rien, toujours est-il que le courant était trop fort, et le fond trop vaseux. Je n’ai pas pu la retrouver. Nous étions complètement bloqués dans un endroit perdu.

Nous avons donc débarqué sur une berge terreuse, puis avons marché dans la forêt. Nous avons ensuite traversé un champ, puis une autre forêt, pour enfin arriver à une ville fantôme !

Un vrai conte.

Nous avons bienheureusement trouvé des chemins. Nous sommes donc retournés au bateau et avons débarqué les vélos pour pouvoir visiter cette ville que je vous invite à découvrir sur cette vidéo.

Une autre vidéo de ce surprenant endroit : http://www.youtube.com/watch?v=ptG6—87Lc&feature=related

Nous sommes restés plus d’une semaine dans cet endroit, à la suite de quoi des amis australiens, Rod et Pauline, nous ont remorqués jusqu’à l’entrée même de Cairo qui se trouvait à une dizaine de milles de navigation, sur le fleuve Ohio.

Nous avons pu commander une nouvelle hélice et l’avons installée. Ce qui nous a obligés à rester durant presque un mois dans cet endroit. C’est ainsi que nous avons découvert ce que je considère comme étant l’une des villes les plus fascinantes des USA. Au point que j’en viens presque à me demander si ce n’était une véritable chance d’avoir perdu notre hélice à cet endroit.

Cairo était auparavant la ville la plus riche des États-Unis. C’en est à présent la plus pauvre ! Il n’y a pas très longtemps, une banque est venue saisir les voitures de la police qui ne pouvait plus payer le crédit engagé pour les acquérir…

L’histoire est bien sûr trop longue pour être relatée sur cette page. Mais je vais m’essayer en quelques mots : L’un des principaux facteurs qui fit que cette ville fut désertée de ses habitants a été… Le racisme !

Durant les années 1960 – 1970, la population de la ville était composée d’environ 30 pour cent de noirs. C’était l’époque de la ségrégation raciale. Non seulement les noirs devaient se soumettre à des règles parfois humiliantes, mais les blancs qui possédaient la totalité des entreprises refusaient de les embaucher, préférant aller chercher des employés blancs parfois très loin dans d’autres états.

Les noirs se sont donc organisés et ont boycotté les entreprises et commerces des blancs qui refusaient de les embaucher. Cela a duré une dizaine d’années…

Malgré cela, les blancs n’ont pas cédé. Plutôt que d’essayer de s’intégrer, ils ont préféré abandonner ce qu’ils avaient et s’en aller ailleurs.

D’autres facteurs sont venus se greffer, bien sûr, mais celui-là apparaît comme étant non seulement le principal, mais également le plus représentatif de ce qu’à pu vivre à une certaine époque toute une population sur le sol même de ce que l’on nommait le pays de la liberté…

Et puis la crise des années 2000 est venue porter le coup de grâce à cette ville qui quelques décennies auparavant, faisait la fierté de toute une région !

Elle offre à présent au visiteur cet étonnant spectacle d’une ville fantôme moderne.

Cairo n’est cependant pas encore entièrement morte. Si sa population a été diminuée par 10 en quelques années, il n’en demeure pas moins que 1800 habitants y vivent encore.

Comme on peut le voir sur la seconde vidéo, certaines maisons bourgeoises de la belle époque ont été préservées, d’autres, les plus belles, n’ont jamais cessé d’être habitées. Le bâtiment de la douane a été transformé en musée après avoir été utilisé durant quelques années par la police locale, un musée où malheureusement aucun des faits les plus marquants de l’histoire de la ville n’y est exposé.

On ne sait même pas que c’est dans ce bâtiment qu’un jeune soldat de couleur noire a un beau jour été retrouvé pendu… Lynchage ou suicide ? Toujours est-il que ce fait a immédiatement entraîné une longue période d’émeutes dans toute la ville.

« Ce sont des choses qu’il faut oublier… » a tenté de nous expliquer la retraitée qui s’occupe bénévolement de l’établissement !

Non, surtout pas.

Pardonner, oui…

Mais ne jamais oublier.

C’est par un pur hasard que nous nous sommes retrouvés à cet endroit. Sans la perte de cette hélice, nous ne nous serions même jamais arrêtés… Mais de cette escale forcée, c’est surtout l’histoire de cette période qui restera gravée dans nos mémoires lorsque nous aurons quitté ces lieux emblématiques.

L’histoire de cette ville est une véritable mine d’or pour les habitants actuels. Malheureusement, ils ne savent pas en profiter, et d’ici peu, si aucune précaution n’est prise pour éviter aux maisons encore debout de s’écrouler une par une, il ne restera de ce passé qu’une surface vide où seule le dessin des rues sera encore perceptible !Il suffirait à la municipalité de Cairo de mettre les maisons hors d’eau, c’est-à-dire de protéger les toits avec de simples bâches par exemple… Habitants de Cairo, si vous me lisez, s’il vous plait, n’attendez pas qu’il soit trop tard…
Voilà donc la seconde vidéo sur notre escale à Cairo depuis notre remorquage par nos amis australiens jusqu’au départ de cette ville lorsque l’hélice fut réparée.Mes enfants ont pu y faire Halloween…

Faire Halloween dans une ville dont les trois quarts des maisons sont abandonnées et dont la population restante est peut-être celle la plus pauvre des USA… Et bien comme vous pouvez le voir, la récolte de bonbons n’a jamais été aussi bonne !