Mes deux matelots sont à l’université, Victor à Assas et Céline à la Sorbonne. Et moi, je suis dans une nouvelle période de transition, comme celle qui avait suivi le premier voyage et précédé le second.

Ce sont comme des pages différentes qui se tournent à chaque fois, pour me faire arriver à d’autres, encore blanches… On évolue, toujours. Le contraire ne serait pas normal.

La partie navigation n’est pas terminée, bien sûr, mais auparavant, je dois faire ma part dans ce nouveau combat qui est en train de se mener dans notre société. Si ce n’est pas pour nous, ce sera pour les générations futures, c’est-à-dire nos enfants… J’aurais honte vis-à-vis des miens si je me laissais tranquillement vivre comme j’en ai la possibilité, sans m’occuper de quoi que ce soit.

Nous devons impérativement modifier notre mode de vie, et surtout nos comportements alimentaires.

La prise de conscience que la consommation de protéines carnées est en train de ravager notre biosphère, sans doute plus que tous les transports réunis, qu’elle crée des souffrances immondes sur des êtres dont on découvre qu’ils sont aussi sensibles que nous le sommes nous-mêmes, ne peut laisser indifférent lorsque l’on possède un tant soit peu de compassion et d’intelligence.

Le monde doit devenir végan, quel que soit le motif de quelques inconscients qui préfèrent encore faire risquer la pire des catastrophes à leurs enfants plutôt que de se passer de leur steak-frites et leur camembert…

J’ai donc décidé de faire ma part, de me battre comme je peux.

Avant de repartir pour un nouveau voyage…

Il y a des priorités.

Chaque chose en son temps.

Ce combat a pris la forme d’un projet, sans doute un peu farfelu pour quelques-uns : la création de ce que l’on pourrait appeler un centre culturel végan, pour essayer de faire rayonner ces idées dans la première région pour l’élevage et l’agriculture intensive, La Bretagne.

Depuis plus d’un an, c’est une véritable aventure que je vis avec une petite équipe de convaincus. Si je vous disais que c’est parfois l’impression d’être sur le Rio Négro que je ressens, lorsqu’il fallait passer les rapides ou traverser cet immense labyrinthe de bancs de sable avec mon bateau, vous ne me croiriez sans doute pas…

Mais c’est exactement cela.

Rien n’est facile lorsqu’il s’agit de faire triompher des idées dans un monde qui n’y est pas préparé. Surtout dans notre pays où il semble que l’on ait plus de mal à évoluer que dans n’importe quel autre autour de nous, où le mouvement végan est largement plus développé. Nous y arriverons, cela ne fait aucun doute, mais la route est truffée d’embûches inimaginables.

Vous pouvez également suivre pas à pas ce projet depuis sa création sur cette page Facebook : https://web.facebook.com/groups/325666707956446/

Un financement participatif est maintenant nécessaire pour mener la phase finale de ce combat. Je vous donnerai le lien dès qu’il sera créé.

Lors de la longue halte en Inde avec mon fils Victor, j’avais fait la rencontre de Nivedita, une Indienne ashramite, c’est-à-dire une personne ayant choisi de consacrer sa vie non à une religion, mais tout simplement à la spiritualité. La spiritualité, c’est le chemin le plus court pour aller directement vers ce qui est peut-être un être suprême, sans qu’aucun intermédiaire ne vienne polluer la pureté des sentiments, me disait-elle. Il n’y a aucun rite pour y arriver, aucune prière, aucun gourou, juste un rythme de vie non pas imposé, mais qui ne pourrait être différent lorsque la seule chose à laquelle on aspire est la purification de sa conscience. Ce sont presque des paroles que je bois lorsqu’elle me raconte ce qui est comme l’explication de la route à accomplir pour créer les conditions les plus optimales du développement de ce que l’on a d’immortel en chacun de nous.

Nous passons donc de longs moments ensemble, parfois nous promenant dans un jardin public, parfois déjeunant dans un de ces étonnants petits restaurants où seules deux ou trois tables arrivent à tenir, mais qui servent des mets de grande qualité à des prix comme on ne peut vraiment en trouver que dans ce pays… Puis finalement nous nous sommes perdus de vue, comme cela arrive souvent lorsque l’on navigue dans des univers trop différents.

Quelque temps plus tard, un drame absolument affreux bouleversa la population de cette ville de plus d’un million d’habitants. Une famille complète, le père, la mère, et les cinq sœurs, se sont jetés dans le golfe du Bengale pour mettre fin à leurs jours. Ce drame fut suivi de plusieurs journées d’émeutes dans les rues du vieux Pondichéry. Les forces de l’ordre durent interdire la circulation aux abords de l’ashram durant un long moment.

Intrigué, j’essaie de contacter Nivedita pour lui demander ce qui s’était réellement passé. Mais ne recevant aucune réponse aux SMS ou aux mails que je lui envoyais, je m’en vais donc la voir. J’apprends alors qu’elle faisait partie de cette famille qui s’est jetée dans les eaux du golfe du Bengale. Heureusement, c’était l’heure du flot et les cinq corps ont été rejetés sur la plage peu de temps après, inconscients. Sa mère et deux de ses sœurs n’ont pas survécu. Nivedita faisait partie des survivants.

Je m’en vais la trouver à sa sortie de l’hôpital deux mois plus tard. Elle me raconte alors l’enfer qu’elle m’avait caché lorsque nous nous parlions tranquillement, un enfer qu’elle avait vécu, et que vivaient encore certaines filles, sa propre sœur harcelée puis battue avec une barre de fer dans l’indifférence totale des cinq dirigeants…

Bien avant cela, des journalistes chevronnés de CNN India avaient fait une enquête pour dénoncer ce qui se passait réellement dans cet endroit, car les bruits couraient dans toute la ville. L’ancien avocat de l’ashram leur avait donné des renseignements. On l’avait retrouvé mort peu de temps après, me dit-elle.

Le reportage de CNN devait être diffusé à une heure de grande écoute. Cela aurait obligé les autorités à prendre des dispositions pour réorganiser l’ashram. Mais trois heures avant la diffusion, tout fut annulé sans qu’aucune explication ne soit donnée. On raconte que des sommes importantes furent payées ! Eh oui, c’est aussi cela l’Inde… Personne n’a donc pu savoir ce qui se passait réellement à l’ashram Sri Aurobindo.

Heureusement, un technicien de la chaîne TV, sans doute dégoûté par ce qui venait de se passer, trouva bon faire incognito une copie de ce reportage et la remettre à l’une des sœurs. Mais que faire d’un malheureux CD lorsque l’on n’a pas d’ordinateur, même pas de téléphone portable ? Il resta durant plusieurs années dans le tiroir du seul meuble de sa minuscule chambre.

Elle me confie ce CD que je visionne sur mon ordinateur. Tout y était en effet décrit dans les moindres détails, depuis le harcèlement des femmes jusqu’aux malversations financières, des témoignages d’hommes, de femmes, et même de policiers… Tous incriminent cette institution créée par Sri Aurobindo lui-même et gérée par cinq personnes désignées à vie. Les journalistes ont épluché des centaines de documents compromettants. Vraiment la somme a dû être énorme pour que CNN puisse accepter de laisser tout cela au fond d’un tiroir. Et c’est maintenant moi qui ai ces preuves accablantes entre les mains…

Je réfléchis à une solution qui permettrait à une autre chaîne de le diffuser. Mais ce serait peine perdue. L’ashram est trop puissant. Ce qui a marché avec CNN marcherait avec n’importe quelle autre chaîne. D’ailleurs, comme le souligne un policier dans ce reportage, l’ashram a beaucoup d’influence ; aucun des partis politiques de l’Inde, même ceux les plus puissants, que ce soit le BJP ou le CONGRE, n’oserait s’y attaquer. On ne peut vraiment rien contre eux dans cette société indienne.

Après quelques jours de réflexion, je prends la décision de mettre la vidéo sur Youtube. Durant plusieurs jours, les deux sœurs se rendent à notre appartement pour traduire tout ce qui est dit et faire des sous-titrages. Une première version est mise en ligne en anglais, suivie d’une autre avec les sous-titrages français. Mais comment faire pour que les gens d’ici s’y intéressent ?

Tout le monde possède une télévision en Inde. Si ce reportage avait été diffusé comme cela était prévu à une heure de grande écoute, cela aurait été terminé pour ces odieux problèmes. Malheureusement, les Indiens vont très peu sur Internet. Très peu possèdent un ordinateur personnel, seulement les plus riches, et la mise en ligne fait chou blanc. À peine une vingtaine de vues par jour, rien qui puisse inquiéter les cinq responsables…

Il reste cependant une solution. Les Indiens lisent beaucoup lorsqu’ils en ont la possibilité, surtout les Tamouls… Ne me serait-il pas possible d’écrire tout cela dans les moindres détails, de faire traduire en Tamoul, en hindi et en anglais, puis d’imprimer sur des petits fascicules qui seraient distribués, ou vendus à prix coûtant aux habitants de la ville ? Pourrais-je, de cette manière, faire évoluer la situation et rendre à ces femmes l’honneur que l’ashram leur a volé après les avoir lamentablement salies ? Je ne sais pas, mais il s’agit pour moi de l’unique solution.

Tout est maintenant écrit. Il ne reste qu’à trouver le financement pour faire traduire et imprimer.

Comme je le disais à la fin du dernier livre, un financement participatif devait être lancé pour la traduction du texte en Tamoul, en hindi et en anglais, ainsi que pour l’impression de petits livres en Inde. Mais je reçois de Nivedita et Hemlata des nouvelles plutôt rassurantes. Elles me demandent d’attendre car il y a du nouveau qui va dans le sens de leurs intérêts.

Nous sommes donc pour l’instant dans l’attente, prêts à la réaction.

Il s’est passé beaucoup de choses depuis la dernière mise à jour de ce site.

Nous avions donc laissé le bateau sur un chantier dans le sud de la Malaisie, le temps pour mon fils de passer son bac au lycée de Pondicherry, en Inde.

L’idée était excellente. Nous avions vu des pays différents, des cultures différentes, depuis que nous avions quitté la France. Israël avait son charme avec cette ambiance de camps retranchés prêt à faire face même à l’agression la plus farouche, l’Égypte avec cette culture de la suprématie de l’homme à travers l’une des religions les plus sexistes que l’humanité ait engendrée, le Brésil, Cuba, la Polynésie, partout des coutumes, des traditions, et surtout des manières de penser, toujours plus ou moins différentes.

Mais en Inde, c’est carrément l’atmosphère qui semble ne plus rien avoir de commun avec ce que nous avions déjà vécu. C’est dans une autre dimension qu’on a l’impression d’évoluer lorsque l’on se trouve dans l’un des quartiers nord que les petites rues escarpées transforment en un véritable labyrinthe parcouru par des femmes en sari, des hommes en vélo, des vaches en liberté, des chiens errants, et même des chèvres et des poules qui déambulent un peu partout, lorsque vous arpentez ces ruelles plus ou moins défoncées, bordées d’habitations aux murs de torchis et aux toits de paille comme seuls les pêcheurs peuvent en avoir.

L’appartement loué sur internet juste avant le départ de Victor était bruyant. Les cafards étaient gros et nombreux. On y trouvait aussi des fourmis et quelques araignées. Et puis le prix n’était pas vraiment en adéquation avec ce que l’on pouvait espérer d’un pays comme l’Inde.

Heureusement, grâce à l’un des surveillants du lycée où était scolarisé Victor, nous avons trouvé un de ces logements comme jamais nous n’aurions pu espérer. Un magnifique appartement avec deux chambres ayant leur salle de bain individuelle, un salon, une cuisine et un magnifique balcon aux ouvertures en ogive, pour un loyer de cent euros. En plus de cela, il est situé à peine à trois minutes du lycée français, ce qui permet à Victor de revenir chaque midi.

Nous nous sommes donc installés dans cet appartement, le temps que Victor passe son bac.

Quelques mauvaises paroles avaient été dites lorsque j’avais pris la décision de déscolariser mes deux matelots. J’étais un « mauvais père qui n’hésitait pas à hypothéquer l’avenir de ses propres enfants pour assouvir sa passion ». Certains ont même ajouté que c’était uniquement pour « écrire des livres que j’allais ainsi les priver d’un système indispensable à leur éducation et leur épanouissement ».

Qu’en est-il à présent ? Mes deux matelots ont-ils réellement subi les conséquences du comportement égoïste de leur géniteur ?

Car c’est maintenant que l’on peut faire les comptes.

Victor a eu son bac avec la mention « Très Bien ». Puis il a été admis dans une classe d’ingénieurs économistes à l’université Panthéon Assas, vingt-cinq places pour plusieurs milliers de candidats… Il s’agit non pas d’une licence, mais d’un cursus de cinq ans, débouchant sur un master d’ingénieur économiste.

Dans le dossier qu’il avait constitué figuraient ce long voyage autour du monde avec le CNED, son brevet passé à Tahiti et son bac à Pondicherry. Apparemment, cela n’a vraiment pas joué en sa défaveur…

Quant à ma fille Céline, après avoir eu son bac avec la mention bien, elle a tout simplement été admise pour une double licence Droit Éco à La Sorbonne ! Il s’agit d’un cursus où elle fait deux licences en même temps. Cinquante places pour plus de 7000 candidats. Elle aussi avait dans son dossier ce long voyage de plusieurs années jusqu’en Polynésie. Et pour elle également cela n’a vraiment pas joué en sa défaveur…

Là je m’adresse aux parents qui se posent des questions devant les réflexions parfois stupides de proches qui les regardent larguer les amarres avec leur progéniture. Vos enfants ne réussiront pas obligatoirement leurs études si vous les emmenez faire un tour du monde sur un vieux bateau à voile, mais si vous les écoutez, si vous arrivez à faire en sorte qu’ils puissent s’épanouir, cette expérience se transformera en un gros bonus qui leur servira leur vie durant. Et vous pourrez alors vous dire que vous avez été des parents vraiment à la hauteur.

Il est malgré tout une constante à laquelle on ne peut guère déroger. Ce conseil de Monsieur Corre, l’ancien proviseur du lycée Henri IV, doit vraiment être écouté : Le CNED est excellent pour l’apprentissage des responsabilités et pour acquérir cette autonomie indispensable à la vie d’adulte. Mais à partir du lycée, il faut absolument les rescolariser dans un établissement pas trop mauvais, de manière à ce qu’ils puissent acquérir les méthodes dont ils auront besoin pour leurs études supérieures.

Ce conseil, nous l’avons respecté à la lettre.

Quoi qu’il en soit, en les baladant ainsi de pays en pays, vos enfants deviendront en quelque sorte internationalisés, c’est-à-dire qu’ils ne pourront plus envisager d’autre avenir ailleurs que sur la planète tout entière. Leur terre natale, ce sera le monde entier ! Ils seront véritablement devenus des « citoyens du monde »… Et cela, c’est vous qui l’aurez décidé pour eux.

Donc mes enfants sont à présent dans leurs études. Et moi je me retrouve tout seul ! Mon bateau a beaucoup souffert de cette immobilisation dans l’un des endroits les plus humides de la planète, mais je suis en train de le retaper en vue d’un nouveau voyage. Je termine la série de livres que je suis en train d’écrire, et je largue une nouvelle fois les amarres. Pour où ? Je n’en sais encore rien. Je me verrai bien retourner dans le Pacifique après avoir fait l’océan Indien, l’Atlantique et les canaux de Patagonie.

Bon, on verra.

Tout seul ? Là non plus je n’en sais rien. Je pourrais repartir seul, mais pfffff. Enfin, on verra bien, il y a encore du temps avant de relever l’ancre. Le problème est que pour s’accommoder avec un type comme moi, ce n’est pas gagné pour tout le monde. Et puis je suis végan, c’est-à-dire que plus aucune souffrance animale ne devra pénétrer dans le bateau. Là ce n’est même plus discutable.

Tiens, je vous mets une petite vidéo faite hier avec mon smartphone. La qualité n’est vraiment pas extra, mais ce sont les dernières nouvelles.

À bientôt,

Dernière vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Xx_CsTMOw9c

Bonjour,

J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop d’être resté aussi longtemps sans donner de nouvelles. Le fait est que beaucoup de changements sont intervenus dans notre vie depuis les dernières mises à jour de ce site.

Victor et Céline sont à présent des adolescents. Une page de vie semble avoir été tournée depuis qu’ils sont entrés dans cet âge intermédiaire qui déconcerte tant de parents !

Céline a préféré quitter le bord pour retourner à Paris, chez sa mère, afin d’y être scolarisée comme tous les autres enfants.

Victor, quant à lui, ressentait également le besoin de mener une vie plus en adéquation avec les besoins réels des enfants de son âge. Mais il ne voulait pas revenir en France, et les lycées de Polynésie ne l’intéressaient pas.

Continuer le voyage tout en posant son sac n’était bien évidemment pas possible. Nous avons donc cherché une solution intermédiaire, et l’avons trouvée, en Inde !

Il existe dans ce pays, plus particulièrement à Pondichéry, sur la côte Est, un lycée français dont les résultats sont assez étonnants : 100 % de réussite au bac presque chaque année. Et parmi les bacheliers, 92 % font des études supérieures, parfois même dans des écoles très réputées comme Henry IV ou Louis Le Grand. Et cela sans qu’aucune sélection n’ait été faite comme c’est bien souvent le cas dans certains établissements prestigieux de chez nous.

Lorsque l’on est sur un bateau, le choix nous est permis. C’est donc dans ce lycée que Victor sera scolarisé jusqu’à ce qu’il soit réellement obligé de retourner en France, après le bac, pour y poursuivre ses études.

Nous avons donc quitté la Polynésie au début du mois de juillet pour faire cap direct sur le pays de Gandhi. Nous avons navigué un peu plus de trois mois, avec une escale aux Vanuatu pour nous réapprovisionner, et une autre d’une journée en Indonésie. Nous avons connu les vents forts du Pacifique, les calmes plats de la mer de Timor et les violents courants de Bali.

Et pour finir, nous nous sommes arrêtés en Malaisie où le bateau a été sorti de l’eau dans un petit chantier juste en face de Singapour (www.dalac.com.my).

De la Malaisie, nous avons rejoint l’Inde en avion et avons loué un appartement pour les deux années et demi nécessaires à Victor pour passer son bac.

Le sac est posé, mais le voyage continue, car, quel que soit le pays, quelle que soit sa durée, l’escale fait partie intégrante du voyage, et quelle escale. L’Inde !!!

J’essaierai de faire une petite vidéo et un texte un peu plus explicite pour mettre sur mon site afin d’illustrer notre nouvelle vie dans ce pays si énigmatique.

Je vous conseille cependant de lire la page « L’âme de Tahiti », surtout si vos projets de voyage passent par la Polynésie :

http://jeanfrancoisdine.eu/articles/#ame-de-tahiti

N’hésitez pas à réagir dans les « commentaires » si vous en sentez l’utilité, car je sais que certains passages sont un peu polémiques. Et il serait dommage que le « coup de gueule » ayant été donné puisse en rester au simple stade d’un écrit sur un site internet.

SVP, faites passer le message. Une prise de conscience collective suffirait pour réduire ce problème à néant. C’est d’ailleurs la seule parade que l’on puisse opposer à ce qui semble comme la résurgence d’un honteux passé.

Voilà pour les dernières nouvelles.

À bientôt,

Juste avant de lever l’ancre et de nous déconnecter, sans doute pour un bon moment, ma fille affiche cette page pour rassurer tous ceux qui ont perdu notre trace au beau milieu du Pacifique, où la balise Spot s’était éteinte. La couverture Spot ne va pas en effet jusqu’en Polynésie.

Alors que certains se faisaient du souci, tout allait très bien ! Un vent toujours régulier, une mer belle, et des nuits au plafond toujours constellé d’étoiles. Vous savez, durant la traversée d’un océan comme celui-là, la seule chose que l’on peut craindre à la limite, c’est un problème médical, surtout lorsque l’on navigue avec des enfants comme je le fais actuellement. Mais à part cela.

Nous sommes donc arrivés aux îles Marquises, c’est-à-dire en Polynésie Française. Et nous devrions y rester le temps de laisser passer la saison des cyclones qui commence à la fin de l’année.

Comme je le disais à un ami il n’y a pas très longtemps, je ne navigue pas pour écrire des livres, bien évidemment. Comme beaucoup de gens, je navigue parce que j’aime ça. Et plus encore, parce qu’il me semble qu’il ne puisse rien exister de meilleur que le voyage pour ouvrir l’esprit des enfants !

Mais il est vrai que l’écriture est quand même devenue un de mes loisirs préférés. Et c’est aussi une chose sur laquelle je voudrais vous rassurer, il n’est absolument pas nécessaire d’aller en des endroits impossibles, ou réaliser des navigations insensées, pour avoir quelque chose d’intéressant à raconter.

Depuis que notre bateau a quitté la France, nous n’avons eu de cesse de trouver des coins absolument étonnants, que ce soit aux confins de la Méditerranée, sur les côtes d’Amérique du Sud, ou même sur les fleuves des USA.

Le dernier en date se situe sur l’île de Hiva Oa.

Je vous raconte en quelques mots, et puis je vous fais un copié-collé du journal de bord, et pour finir, vous pourrez voir une petite vidéo qui retrace tout cela… Vous aurez ainsi une petite idée de ce que nous vivons dans ce merveilleux archipel.

Au nord-ouest de l’île de Hiva Oa, il existe un endroit absolument merveilleux, ce serait véritablement le paradis terrestre s’il n’y avait pas de moustiques : la vallée d’Hanamenu. Cet endroit n’est accessible que par la mer, mais il semble que peu de gens ne s’y arrêtent à cause du débarquement qui est un peu rock and roll.

Nous l’avons découvert en faisant le tour de l’île. Le point d’écoute de la bôme a cassé juste au moment où nous étions à la hauteur de la vallée d’Hanamenu. Il nous fallait réparer. Nous nous y sommes donc arrêtés et avons débarqué.

L’endroit est absolument idyllique. Des arbres fruitiers partout, pamplemousses, mangues, cocos, goyaves. Et puis une source qui s’écoule directement de la montagne et forme une sorte de merveilleux bassin dans lequel on pourrait presque nager, les vestiges d’une petite ville très ancienne sur lesquels paissent des chevaux sauvages, un torrent qui descend également de la montagne, et quelques habitations où vivent trois personnes, deux vieilles femmes et un homme, un Marquisien de pure race, tatoué jusqu’aux oreilles, et tellement heureux de nous voir qu’il est parti le lendemain matin dans la montagne avec un grand couteau et est revenu quelques heures plus tard, une chèvre morte sur les épaules. Nous l’avons mangée le soir même !

Voilà. Je vous fais un copié-collé du journal de bord, Céline y ajoutera quelques photos, et je vous dis à bientôt…

La vallée d’Hanamenu s’impose à nous. Il n’y a rien qu’une plage et des cocotiers, signale le livre que nous avions photographié, aucune route pour faire retour vers Atuona si le besoin se faisait sentir. À peine un chemin praticable à cheval, et, bien sûr, personne pour nous aider le cas échéant. Mais nous ne pouvons faire autrement que de nous y arrêter. D’ailleurs, nous y sommes presque. Il suffit de virer à tribord et de nous enfoncer dans une des failles pratiquées entre cette monstrueuse falaise pour être à l’abri et tenter une réparation.

Le mouillage apparaît au fond d’une sorte de défilé. C’est effectivement une plage avec des cocotiers qui se dessine au beau milieu de toute la froideur que peuvent offrir deux escarpements rocheux aussi abrupts que gigantesques. Quelques habitations apparaissent et viennent contredire l’idée que cet endroit est désert de toute vie humaine. La profondeur n’est pas bien importante ; nous posons l’ancre par cinq mètres de fond.

La plage forme une sorte d’arc de cercle reliant les deux falaises entre elles. Le sable n’est pas noir comme il serait logique étant issu de roches volcaniques, mais plutôt grisâtre, un peu comme s’il avait été mélangé à celui que l’on rencontre dans les atolls coralliens. Derrière un rideau de cocotiers très hauts, on aperçoit le fond de la vallée, deux collines rocailleuses aux roches désertes et escarpées.

L’eau est calme. C’est à peine si le bateau remue. Il y a une réparation à effectuer, mais ce décor nous intrigue plus que la réparation ne nous presse. Qu’y a-t-il réellement derrière les cocotiers ? Quelques instants plus tard, l’annexe est mise à l’eau.

Le débarquement n’est pas aisé. Il nous faut jongler avec les vagues dont les rouleaux déferlent sur la plage. Ce ne sont que de petits rouleaux, mais je commets l’erreur de leur présenter l’arrière de l’annexe au lieu d’arriver à reculons, la proue face à la vague. Victor a juste le temps de sauter qu’un rouleau un peu plus gros que les autres vient remplir notre pauvre embarcation. Quelques instants plus tard, l’annexe est vidée, puis halée au sec à une hauteur où l’eau ne montera pas.

Nous pénétrons alors dans ce qui apparaît comme étant un petit village, une dizaine d’habitations, plus carbet que maison pour certaines. Les portes grandes ouvertes laissent entrevoir un intérieur non pas indigent, mais où la simplicité semble avoir été le maître mot. Du reste, en un pareil endroit, il eut été assez surprenant de trouver des demeures garnies de ces riches mobiliers comme on en peut trouver ne serait-ce qu’à Atuona. Des tables avec des bancs, du linge séchant entre deux arbres, un peu de vaisselle, mais personne nulle part. Tout semble désert.

Partout des arbres à fleurs ont été soigneusement entretenus. Ce sont des Hibiscus, des bougainvilliers, ou encore des pervenches qui non seulement répandent une odeur ineffable, mais confèrent à l’ensemble un caractère enchanteur. Un bruit d’eau courante se fait entendre sur la droite. Nous traversons une sorte de jardin parcouru par des allées tracées en forme de méandres, et arrivons à un bassin dont la beauté surpasse tout ce que l’on aurait pu imaginer qu’il fût possible à la nature de créer sans pour cela qu’elle y soit aidée par l’intelligence humaine. Une source jaillit de la montagne en un ruissellement roulant sur la roche et venant se répandre dans ce bassin formé par l’érosion due à l’écoulement continuel de l’eau, une eau claire, vivifiante, dans laquelle on a plaisir à se tremper jusqu’au mollet. On devine qu’il s’agit ici d’un lieu de vie pour les habitants de ce bien étrange endroit. La disposition de certaines roches laisse supposer qu’on y lave du linge. Un peu plus loin, la profondeur est telle que l’on peut s’y baigner presque comme on le ferait dans une petite piscine. Seul le bruit de l’eau sur la roche, le vent dans les cocotiers et les vagues au loin sur la plage viennent troubler le calme profond dans lequel nous progressons depuis notre arrivée.

Comment un tel lieu a-t-il pu avoir été oublié de ceux qui rédigent ce qui devra servir de guide aux gens comme nous ? Mais peut-être ont-ils tout simplement été touchés comme nous le sommes nous-mêmes par la splendeur du site au point de se dire qu’il fallait sans doute mieux passer son existence sous silence sous peine, peut-être, de le voir dénaturer par quelque invasion touristique. Toujours est-il qu’après un long moment passé en contemplation devant ce qui nous apparaît comme étant un chef-d’œuvre de la nature, nous poursuivons notre balade et arrivons à ce qui semble la limite du village.

Il n’y a plus de maisons habitées, mais une sorte de rue matérialisée sur le sol par deux lignes de rochers enterrés qui se poursuivent à travers la végétation. Des monticules de pierre très caractéristiques apparaissent. C’est un site historique qui se trouve là. Les anciens habitants de l’île y avaient bâti ce qui ressemble fort à une petite ville, à en croire le nombre de rectangles représentant sans nul doute les fondations de ce qui étaient leur habitation. Une nouvelle impression nous envahit l’esprit au moment où nous découvrons ce qui représente les vestiges d’une civilisation deux fois millénaire. Durant des centaines d’années, des gens ont vécu ici. L’endroit étant inaccessible, ou presque, par la terre, rien n’a pu être véritablement dérangé, et ces pierres que nous apercevons sont celles que ces gens ont posées eux-mêmes à cet endroit pour y construire leur cité. Cette source près de laquelle nous nous sommes arrêtés les a fait vivre durant des siècles, jusqu’à ce que nous arrivions, nous, les Occidentaux, avec nos préjugés, nos curés, et surtout nos germes, et que nous les détruisions, non seulement physiquement, de par les maladies que nous leur avons transmises, mais également dans leur propre identité.

Tout en me faisant ces réflexions, je considère les restes de ce qui semble être l’estrade d’une sorte de théâtre, puis un entassement de pierres ressemblant aux deux tombes des rois que nous avions vues à la sortie d’Atuona. De gros manguiers ont poussé. Leurs fruits orange s’amoncellent par grappes sur certaines branches. Nous suivons la voie tracée sur le sol et arrivons à un torrent. C’est encore une fois un magnifique cliché qui nous apparaît, un torrent descendant de je ne sais où et traversant la forêt. Son eau claire, chahutée par les rochers, émet un délicieux chuintement qui se mêle au bruissement du vent dans les feuillages. De l’autre côté, un troupeau de chevaux sauvages est rassemblé dans une sorte de clairière sous un gros manguier dont les fruits répandus sur le sol forment comme un tapis jaune et semblent constituer une alimentation très prisée pour ces magnifiques mammifères. Le torrent, les chevaux, la forêt, les vestiges d’une cité millénaire. Quel est donc cet endroit dans lequel nous nous sommes bien involontairement arrêtés ?

Nous ne pouvons malheureusement poursuivre notre visite. Le site est aussi superbe qu’énigmatique, mais nous nous sommes déjà bien éloignés de la baie, nous devons revenir au bateau pour y réparer la bôme, à la suite de quoi nous pourrons chercher à comprendre où nous sommes réellement tombés, et nous y promener comme nous le souhaitons. Nous faisons retour au village.

Un homme apparaît dans l’alignement de cette voie tracée par les deux rangées de pierres, un homme de haute stature, vêtu d’un simple short et dont le torse, les bras et les jambes sont ornés de ces tatouages particuliers comme en ont bien souvent les gens de ces îles. C’est véritablement une force de la nature qui vient à notre rencontre, un de ces êtres comme il semble que l’on ne puisse en rencontrer que dans les forêts ou les montagnes, et ayant proportionné son organisme aux nécessités qu’imposent cette confrontation permanente avec un univers où seuls les plus forts peuvent survivre.

Il arrive à notre hauteur. Son visage n’est ni souriant, ni empreint de cette gravité que l’on rencontre chez ceux que quelque chose inquiète. Je me présente directement à lui en indiquant que nous venons d’arriver en bateau et sommes intrigués de trouver un site aussi magnifique dans un endroit où rien ne permettait de soupçonner quoi que ce soit. L’homme affiche alors un grand sourire. Il aime beaucoup les gens de bateau, dit-il, mais lorsqu’ils viennent poser l’ancre dans la baie, ce n’est bien souvent que pour passer la nuit et repartir le lendemain matin sans même avoir mis les pieds à terre. Et c’est vraiment dommage, car il sait recevoir, continue-t-il avec dans la voix cette intonation mettant en relief son origine marquisienne et parachevant la pittoresque image que sa peau tatouée offre à nos regards étonnés. Puis il nous demande combien de temps allons-nous rester. Demain matin, il ira à la chasse, et le soir il nous invitera à manger. Il y aura de la chèvre et des bananes, dit-il. Nous acquiesçons joyeusement, puis reprenons le chemin de la baie. Il nous accompagne.

Sa maison est la première, juste devant la plage. Ils ne sont que trois à habiter le village, les deux autres sont des femmes, une très vieille dans la dernière maison, et une autre un peu plus jeune, juste en face de là où il habite. Mais le week-end, et pendant les vacances, d’autres gens arrivent, les familles de ces femmes, avec leurs enfants. Le village est alors très joyeux.

Le soleil touche à la crête de la falaise. Si le site est magnifique, il semble que, du fait de son encaissement entre deux aussi imposantes murailles, les journées d’ensoleillement y soient quelque peu raccourcies. L’ombre arrive beaucoup plus tôt que nulle part ailleurs. L’homme nous accompagne jusqu’à la plage. L’embarquement est facile lorsque l’on connaît, dit-il. Il faut juste pousser la barque sur quelques mètres pour se mettre hors d’atteinte des vagues, ce qui est très aisé car le fond est sablonneux et forme une sorte de plateau peu profond. On peut ainsi charger l’annexe et embarquer en ne se mouillant que jusqu’à la ceinture. Les vagues ne posent aucun problème, même lorsque le temps n’est pas très bon, ce qui arrive parfois, surtout à la mauvaise saison…

Effectivement, les shorts sont mouillés, mais nous nous retrouvons tous les trois à bord sans qu’aucune vague n’ait pu nous causer la moindre difficulté.